dimanche 10 janvier 2016

[Topo ATC ] Art & Crafts, Pop et DIY

Topo ATC design n°4
Réactions aux processus industriels : Art & Crafts, Pop et DIY

PARTIE 1

INTRO
Au milieu du XIXème siècle, apparition de nouvelles catégories d’objets manufacturés au début de cette ère industrielle. Les conditions de production changent et du fait main, on passe au fait machine. Un prolétariat apparaît.
Thomas Annan Photographs of Old Close Streets & c. prise entre 1868 et 1877, Close n° 193 High Street
Thomas Annan, premier reportage social 1870

Industrie de l’acier (fonte) : formes nouvelles, plus vite, moins cher, renoncement à l’esthétique ornée, structure nue qui s’assume comme telle, renoncement à la culture historique de l’ornement (la plupart du temps réservée aux riches), on prend le risque de ne rien valoir aux yeux des riches.
Une tension naît entre les partisans de la tradition (savoirs-faire traditionnels et privilèges à ceux qui peuvent se le payer) et radicalité des nouveaux concepteurs (pas d’ornement mais démocratisation du fonctionnel)
Entre les deux, des compromis s’établissent : modernité mais ornée quand même.

Voir topo sur l’esthétique industrielle  sur ARSAlive

CONTESTATIONS DANS LE CADRE DE LA REVOLUTION INDUSTRIELLE

Au gré des évolutions techniques désormais rapides, les contestations de ces conditions de production fluctuantes apparaissent et se développent.


Jacobs A Riis Child laborers working at a textile factory in good ‘ol Macon, Georgia, 1909
LES SHAKERS

Avant les Makers et les Hackers, il y avait les… Shakers (1750s)
 […] Le DIY c’est l’ère où chacun peut devenir artisan par choix.
Anglais, les Shakers sont les premiers à avoir érigé le DIY comme ciment de leur communauté. Ils créent des outils et machines spécifiques pour fabriquer eux-mêmes tous les objets du quotidien (des meubles aux vêtements). On leur attribue notamment l’invention de la scie circulaire, la pince à linge ou encore la herse rotative!
Les Shakers prônent également « la simplicité et la pureté dans la production d’objets. Un produit est beau seulement s’il est utile et le superflu doit être banni ».


LES LUDDITES
Les machines à vapeur entraines toutes sortes de machines outils / fabrique fin XIX Angleterre.
Boutique luddite
Le bris des machines par les Luddites. Gravure.
En 1963, Edward P. Thompson, historien communiste, produit dans son livre The Making of the English Working Class un chapitre d’épopée, « Une armée de justiciers », qui fait mieux que réhabiliter les luddites. Trente ans avant Marx et le Manifeste du Parti Communiste (1847), ces derniers critiquent en actes la dissociation entre moyens de production et rapports de production. Ils se battent pour l’autonomie ouvrière, contre l’asservissement à la machine, pour la survie de leur communauté et la fierté de l’ouvrage bien fait.
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=286

Le luddisme est un « conflit industriel […] qui a opposé dans les années 1811-1812 des artisans – tondeurs et tricoteurs sur métiers à bras du West Riding, du Lancashire du sud et d'une partie du Leicestershire et du Derbyshire – aux employeurs et manufacturiers qui favorisaient l'emploi de machines (métiers à tisser notamment) dans le travail de la laine et du coton. La lutte des membres de ce mouvement clandestin, appelés luddites ou luddistes, s'est caractérisée par le « bris de machines ».
La révolution industrielle bouleverse l'Angleterre du début du XIXe siècle. Dans le milieu du textile, trois professions sont particulièrement menacées par l'apparition de métiers mécaniques : les tondeurs de drap, les tisserands sur coton et les tricoteurs sur métier. Ceux qui les pratiquent sont des artisans assez puissants, bien organisés malgré les lois de 1799 interdisant toute association en Angleterre (Combination Act), et mieux lotis que les ouvriers qui travaillent dans les usines. Ces métiers très techniques sont déterminants pour la qualité des draps ou des tissus : selon le travail d'un tondeur de drap, par exemple, le prix du produit fini peut varier de 20 %.
Les années 1811-1812 cristallisent les rancœurs des couches populaires anglaises et spécialement celles de ces artisans. C'est que, outre la crise économique, les mauvaises récoltes et la famine, ces années marquent la fin des politiques paternalistes qui protégeaient les artisans et le lancement en grande pompe de la politique du « laissez-faire » — on parlerait aujourd'hui de libéralisme économique.
ART AND CRAFTS
Un siècle plus tard, toujours en Angleterre, William Morris (écrivain, poète, peintre, designer et chef de file du mouvement artistique Arts and Craft) poursuit en quelque sorte le mouvement : il prône le retour à un savoir-faire « manuel », à une tradition, une authenticité, une vérité de l’objet. Il s’agit pour lui de produire moins mais mieux. Belle résonance avec nos débats aujourd’hui… :
« Depuis que j’ai entendu parler de vin fabriqué sans jus de raisin […], de couteaux dont la lame se tord ou se casse dès que vous tentez de couper quelque chose de plus dur que du beurre, et de tant d’autres mirifiques prodiges du commerce actuel, je commence à me demander si la civilisation n’a pas atteint un point de falsification tel que son expansion ne mérite plus d’être soutenue -en tout cas s’il faut tuer un homme pour qu’il l’accepte, cela ne vaut sûrement pas grand chose » (Morris, 1880).
Le mouvement Arts & Crafts, littéralement « Arts et artisanats », est un mouvement artistique réformateur dans les domaines de l'architecture, des arts décoratifs, de la peinture et de la sculpture, né en Angleterre dans les années 1860 et qui se développa durant les années 1880 à 1910,

Le mouvement fait écho aux préoccupations d'alors, de ces artistes-artisans devant le progrès : […] Si la Grande-Bretagne domine le monde par l'étendue de son empire, par la puissance de sa marine et par son avance commerciale et industrielle, elle se caractérise aussi par une modification accélérée et souvent perçue de façon angoissante par les Britanniques, de leur environnement et de leurs rapports sociaux.
Quelques intellectuels s'inquiètent de ces changements, notamment :
John Ruskin, poète et un écrivain, passionné par les époques médiévales et gothiques. Il voyage à travers toute l'Europe à la découverte des monuments anciens qu'il dessine. Pour lui, l'idéal artistique naît de la réunion des compétences et non de leur concurrence. 

John Ruskin, Part of the Facade of San Michele
William Morris, fabricant de meubles et d'objets d'art qu'il dessine, éditeur et imprimeur, créateur de caractères, mais également chef d'entreprise. Se voulant un fervent défenseur de la classe ouvrière, il contribue à populariser John Ruskin.
william Morris 1887 The Forest Tapestry
William Morris-morris 1884
L'utopie
Dans le domaine des arts décoratifs, la première moitié du siècle est marquée par un désert : le mobilier de piètre qualité est fabriqué en série. Or, leur idée commune est simple : pour eux le bonheur réside dans l'artisanat, car un ouvrier ne peut s'épanouir et être fier de son ouvrage, que s'il participe, à chaque étape de sa réalisation et de sa fabrication.
Il était donc urgent, non seulement de réhabiliter le travail fait main, mais de sauvegarder et de réapprendre les techniques traditionnelles. Rapidement, ils sont les initiateurs de la fondation de nouvelles écoles, pour former les artisans, à la tapisserie, à la broderie, à l'impression à la planche, à l'émaillage, à la dinanderie, à la poterie, aux teintures naturelles, aux textiles tissés avec les métiers à tisser traditionnels, à la marqueterie et à l'ébénisterie.
Gamble House Pasadena
Une autre de leurs idées était qu'on ne peut faire du bon travail, que si on vit et on travaille dans un environnement sain et agréable. Des communautés d'artisans quittent donc la ville et partent s'installer, plus près de la nature, dans les districts campagnards. Cet exode est favorisé par le développement des chemins de fer. Dans cette ambiance, les ouvriers-artisans s'intéressent à la culture, en participant à des concerts et à des pièces de théâtre. Ils découvrent la cuisine végétarienne. Les dames s'habillent en paysannes et abandonnent le rigide corset victorien.
Mais leur grande idée était que l'art devait intervenir partout, en premier lieu dans la maison pour d'abord retravailler les objets usuels : vaisselle, argenterie, reliure, tapis, luminaires… idée fondatrice du design. Les créations étaient réalisées, soit sur commande en pièce unique soit en petite série, et diffusées dans les catalogues des magasins londoniens. L'Arts & Crafts a été le premier à rapprocher les Beaux-Arts des arts appliqués.
Les artistes-artisans mettent en avant le matériau, les meubles se font en bois massif, le martelage de l'argenterie et de la dinanderie se fait à la main. En réaction aux atmosphères surchargées de la bourgeoisie victorienne, ils mettent en avant la simplicité, voire le dépouillement, estimant qu'un beau mobilier se suffit à lui-même. Dans leurs œuvres surgissent les végétaux et les animaux, symboles de la nature, mais plus ou moins stylisés.
Wikipedia
Tenture murale Peacock 1878
Tenture murale Peacock . William Morris 1878
Très tôt, le critique et théoricien John Ruskin (1819-1900) s’élève contre cette civilisation fondée sur le culte de la réalité brutale, ses valeurs répressives et conservatrices, son mercantilisme. Le Moyen Âge lui apparaît comme une période bénie où l’homme pouvait accomplir son être moral dans sa plénitude : contre la division moderne du travail qui transforme l’habile ouvrier en une main-d’œuvre non qualifiée, déconnectée de son objet, asservie à une machine qui aliène son âme, il prône la cohésion sociale des communautés, corporations et autres guildes médiévales, où l’artisan éprouvait du plaisir dans le travail manuel. Cette vision utopique et idéalisée d’un passé révolu, déjà célébrée (et inventée) par l’esthétique romantique qui y voyait une réaction contre le rationalisme, est reprise par l’écrivain socialiste et décorateur William Morris : séduit d’abord par la ferveur des préraphaélites, leur esprit de fraternité et leur passion pour le Moyen Âge (avec l’aide de Burne-Jones, il rencontre Rossetti, qui l’initie à la peinture), il entreprend, entre autres, de remédier à l’affaiblissement de la qualité des produits par un ambitieux programme de réforme des arts décoratifs en transposant sur le plan pratique les idées de Ruskin.
Les préraphaélites
Au milieu du XIXe siècle, au début du règne de la reine Victoria, la peinture anglaise s'est enlisée dans les conventions académiques et se trouve dans une impasse créative. En réaction, trois jeunes étudiants de la Royal Academy, Hunt, Millais et Rossetti, fondent la confrérie préraphaélite.
Ils ambitionnent de créer une nouvelle peinture, se référant non-plus à la Renaissance, mais à l'art médiéval, celui d'avant Raphaël, libre et authentique, suivant en cela les préceptes de l'influent théoricien victorien, John Ruskin. Leurs tableaux sont colorés, porteurs de multiples symboles et références littéraires, sensibles à la nature et aux questions sociales.
John Everett Millais, Ophélie, 1852, huile sur toile, 76,2 x 11,8 cm, Tate Britain, Londres
 La confrérie se dissout rapidement, mais ses idées continuent à nourrir l'avant-garde anglaise pendant près de cinquante ans. La seconde génération, dominée par Edward Burne-Jones et William Morris, applique les principes préraphaélites au décor, au mobilier et à l'illustration de livre. Au-delà de l'Angleterre, l'univers de Burne-Jones en particulier influencera profondément le courant symboliste.

PARTIE 2
APRES LES DEUX PREMIERES GUERRES MONDIALES


L'organisation de la société dite "de consommation" se met en œuvre. Le plan Marshall en Europe et en France inféode la consommation aux produits et aux modes de production et de diffusion américains. On entre dans ce qu'on appelle "les 30 glorieuses", 30 années de production et de consommation en croissance constante.

On peut lire en introduction :  Chapitre 11 - La marginalité donne le ton - Histoire du design 1940-2000 - Raymond Guidot - HAZAN

POP ART
Les pop-artistes américains vont inviter à porter sur cette société un regard sans indulgence.
Après la société de la consommation, à l’approche de 1968, c’est la société du gaspillage qu’on dénonce. Aujourd’hui, avec le recul du temps, on mesure mieux la lucidité des pop artistes qui ont vu dans cette société occidentale, livrée à la seule loi de l(offre et de la demande, une invite à porter sur elle un témoignage sans indulgence.[…] Le produit le plus banal et le plus bassement sériel extrait du premier supermarché venu va donc trouver place au cœur même de la création. […] 
- Changements d’échelles (le visage d’une star, un mégot de cigarette, n’importe quoi peut prétendre à la monumentalité) 
- simplification des formes (image comme simple signe 
- recadrage (sujet en premier plan amputé) 
- réduction de la palette des couleurs (tons contrastés, directement issus des fabricants) 
- recours à la troisième dimension (contextualisation du sujet). […]
Le pop art, en retour, va largement influencer le travail des créateurs impliqués dans le renouvellement permanent de tout ce qui participe à l’environnement quotidien.
Ainsi :
- les sérigraphies bigarrées de Andy Warhol,
- les images tramées de Roy Lichtenstein,
- les objets pauvres et démesurément agrandis de Claes Oldenburg,
- les collages de morceaux d’images en trompe l’œil de James Rosenquist,
- les montages de Peter Blake,
- les savantes techniques mixtes de Richard Hamilton,
- les images au néon et peinture fluorescente de Martial Raysse, tout cela a été largement repris, et sans vergogne, dûment exploité par de nombreux publicitaires et décorateurs. […]

1970 Oldenburg_Claes série Giant Toothpaste Tube dont la première version date de 1963

Hamilton richard Interior II1964

Roy Lichtenstein whaam 963

Roy Lichtenstein allright 1964

Martial Raysse Nissa Bella 1964
Peter Black Beatles sergent peppers 1967
Rosenquist president Elect 1960-61
installation shadows Andy Warhol Musée art moderne paris octobre 2015 (photo MV)
installation shadows Andy Warhol Musée art moderne paris octobre 2015 (photo MV)

Shadows de Andy Warhol (1978-1979)
Conservée à la Dia Art Foundation, les Shadows, étonnant ensemble de 102 toiles sérigraphiées de 17 couleurs différentes se déploient sur une longueur de plus de 130 mètres. Elles rappellent de façon magistrale la capacité de Warhol à ébranler les conventions de l'art, depuis la conception des oeuvres jusqu'à leur mise en scène. A la question de savoir si elles étaient de l’art, Warhol répondait non : « ... on passait de la disco durant le vernissage, je suppose que ça en fait un décor disco ».
Claes Oldenburg sur « arts plastiques collèges et lycées »

VERS LE DIY
Les origines du DIY sont multiples […] Elles puisent dans l'histoire de l'humanité, s'inspirent des savoirs des populations dites primitives, et pourraient même se retrouver à la fois dans les phalanstères de François Marie Charles Fourier (1772-1837), les remèdes de grands-mères, les cours d'économie domestique de Mme Millet Robinet, de la fin du XIXe siècle, le mouvement scout ou les kibboutz… En droite ligne, ce mouvement trouve pleinement ses racines dans la sous-culture hippie, davantage que dans le punk comme certains le prétendent.
Le sociologue Eric Donfu (Le Monde 19/11/2013)
Cast-horama (1950s)
NB : horama en grec = vision – L’idée ici n’est pas de faire de la pub à l’enseigne, mais de parler de la vision du… Castor !
On fait un bond dans le temps et nous voilà dans la France d’après-guerre : face à un pays en ruine et des institutions qui tardent à fournir les millions de logements manquants, des groupes d’individus (« les castors ») s’organisent pour construire eux-mêmes leurs habitations. Des ouvriers issus des chantiers de la Gironde décident d’entamer la construction d’une cité de 150 logements. Pour faire face au refus des banques de leur accorder des prêts sans caution, les ouvriers recourent à la notion d’apport-travail. Sans capital, c’est son temps que l’on apporte pour cautionner l’emprunt. Les Castors c’est donc : une vision alternative de la production… et (déjà) des circuits de financement !

La notion de bricolage va continuer à prendre de l’ampleur avec un entrepreneur français, Bernard Ivernel, qui importe en 1959 un concept venu des Etats-Unis : la grande surface de bricolage, pour trouver en un même lieu tout le matériel nécessaire. En 1965, est fondée l’Association nationale des promoteurs du Faites-le vous-même (ANPF). Leur préoccupation est de favoriser l’autonomie du bricoleur en lui apportant des conseils sur les matériaux et les techniques. L’association deviendra une coopérative avant de devenir une enseigne unique… les magasins Mr Bricolage !
En 1965, est fondée l’Association nationale des promoteurs du Faites-le vous-même (ANPF)
Design pour et avec le monde réel (1970s)
Mais  […] La forme contemporaine du DIY remonte à 1968 avec le lancement au sein de la communauté hippie de Bay Aera, aux Etats-Unis, du Whole Earth Catalog par Stewart Brand. Cette publication, réalisée avec les moyens du bord, à savoir un Polaroid et une machine à écrire, est une véritable cacophonie visuelle où des conseils pratiques se mélangeaient aux visions d'avenirs et petites annonces.
Sans le savoir, ce journal préfigurait l'ère d'Internet. Catalogue pratique d'informations et de conseils pour tout faire soi-même au meilleur prix, le WEC va même s'étoffer au point de compter 448 pages en 1972.
Le sociologue Eric Donfu (Le Monde 19/11/2013)
En 1969, parut confidentiellement aux Etats-Unis une publication qui est devenue depuis un mythe de la contre-culture. Cette publication s’intitulait le Whole Earth Catalog, « le catalogue de la terre entière », et il rassemblait tout ce qu’il fallait alors pour quitter la société et vivre dans l’autosuffisance - des graines, des outils, des tentes, mais aussi des livres – le livre indiquait comment se les procurer et qu’en faire. Entre 1968 et 1972, le Catalogue a connu un succès considérable dans les milieux communautaristes américains, les lecteurs envoyant des commentaires et des notices supplémentaires, et l’informatique naissante y pris une place importante, l’informatique et les machines conçues comme un moyen d’augmenter notre autonomie mais aussi les capacités de notre cerveau. Par son côté participatif, par son fonctionnement en ajout et en renvoi, par son intérêt pour les proto-ordinateur, le Whole Earth Catalog est considéré aujourd’hui comme un ancêtre papier du web et d’ailleurs, ceux qui en furent à l’origine, Steward Brand et Kevin Kelly ensuite, sont par la suite devenus des acteurs importants de la Silicon Valley et des technologies américaines.
Un des coups de génie du Whole Earth Catalog, c’était sa couverture. En 1968, ça faisait déjà deux ans que Steward Brand harcelait la NASA pour obtenir le droit d’utiliser une photo de la terre vue depuis l’espace. Oui, une simple photo de la terre vue depuis l’espace, si habituelle pour nous aujourd’hui et dont Brand sentait la puissance symbolique si elle se diffusait. Et c’est bien cette photo qui a orné la première couverture du Whole Earth Catalog, un fond noir et une petite boule bleue, notre terre, notre planète.
Et l’on considère que la diffusion de cette photo, via le Catalog, puis par d’autres supports, n’est pas pour rien dans la naissance d’une conscience écologique. Tout à coup, la Terre apparaît telle qu’en elle-même, c’est-à-dire belle, petite, et interdépendante, à protéger. 

Xavier delaPorte / France Culture

voir Diggers
Dans les années 70, Victor Papanek, designer, appelle à mettre la puissance de création des concepteurs d’objets au service « des besoins réels des gens dans le monde » en instaurant un rapport direct entre designers et utilisateurs finaux. Il souhaite par exemple inventer des dispositifs permettant à tout individu dans les pays en développement de fabriquer ses propres briques ou systèmes de canalisation. Il se lance en 1973 dans la coécriture de « The Nomadic Furniture » (cf. ci-dessus), un livre délivrant les plans et les instructions pour fabriquer facilement des lits, chaises, tables, canapés, etc., en utilisant des matériaux peu chers et/ou recyclés. Bien avant « The Pirate Bay » (en passant : regardez ce merveilleux documentaire), Victor Papanek a donc initié le mouvement de l’open source (open hardware) ! – et interrogé notre rapport à la création et aux droits d’auteurs en poussant ceux qui le souhaitent à « imiter » ses réalisations.

A peu près au même moment, un autre designer Enzo Mari abonde dans ce sens. Il souhaite rendre publique une série de planches de dessins et de plans permettant de réaliser par soi-même son mobilier. Plus besoin de fabricant et d’éditeur : le « destinataire » du créateur est considéré comme « ayant les bases pour engager un projet créatif » lui-même.  L’idée de E. Mari est de proposer des objets faciles à réaliser grâce à l’utilisation de matériaux simples (planches de bois clouées entre elles), avec la liberté pour les usagers de pouvoir pleinement modifier les plans d’origine. Message philosophique et politique en filigrane… : « J’ai pensé que si les gens étaient encouragés à construire de leur main une table, ils étaient alors à même de comprendre la pensée cachée derrière celle-ci« .
Plus besoin de fabricant ou d’éditeur, l’utilisateur a les bases pour engager un projet créatif
Punk is not dead (fin 70s)
Après les hippies dans les années 60, le mouvement punk s’est construit sur la base d’un  idéal d’autonomie par rapport au système dominant.  Mais « là où les hippies conféraient un sens à l’action, les punks font de l’action le sens » (Matthieu cite ici le livre du sociologue Fabien Hein : « DIY, autodétermination et culture punk »), avec ce credo : « l’émancipation pour élan ; l’autodétermination pour tout bagage ».
Le DIY punk a donné naissance à de nouveaux circuits alternatifs, avec notamment les fanzines (cf. ci-contre), ces petites publications réalisées par des amateurs (au sens premier du terme, « ceux qui aiment »), des magazines réalisés par les fans. Portant sur divers sujets, principalement la science-fiction, le skateboard, le rock ou les bandes dessinées, ces magazines traduisent la volonté de créer sa propre culture via ses propres moyens de production (rudimentaires).
http://www.habitat-alternatif.com/eartship-container.html
projet autoconstruction alvéole zéro : http://www.alveolezero.eu/?page_id=499